Voilà comment le monde s’est fermé en quelques jours. Son nouveau roi porte une couronne. Il donne ses ordres sur nos écrans, sur les murs de nos villes, sur tout ce qui nous était quotidien. Il écrit un nouveau monde, en confinant l’ancien.
Ce sont ces quelques mots avec lesquels s’achève le reportage « Coronavirus : le grand sommeil » produit par Arte alors même que, l’un après l’autre, les pays du monde ont déclaré un état sanitaire d’urgence et mis en place le confinement général. Une succession d’images allant des rues pavées Lille aux plages de Californie, en passant par Pékin, Dakar ou New Delhi dévoilent une réalité apocalyptique et pour le moins lugubre.
Le début idéal d’un film catastrophe, sauf que ce n’est pas de la fiction.
Alors, est-ce que c’est la fin du monde ?
La fin d’un monde, pour sûr, et il me semble que c’est tant mieux. Pouvons-nous imaginer des semaines et des mois de fermeture d’écoles, universités, cafés, restaurants et autres lieux de vie sans que cela ne change rien ? La distanciation sociale comme maître mot des rapports humains et tous nos quotidiens ré-imaginés. Les frontières qui viennent morceler le village planétaire. Les économies qui dégringolent et tous nos projets avec. Comment tout cela pourrait-il se produire et ne laisser aucune trace, aucun changement significatif ?
Les prémisses d’une profonde transformation sociale se font déjà sentir au détour de certains articles et certaines conversations. Les plus visionnaires nous dépeignent le monde post-coronavirus à coup de statistiques, les plus romantiques en peignent des tableaux. D’autres n’attendent qu’une chose, c’est le retour à la normale et ce, le plus vite possible. Mais, alors que plus de 80 pays et 3,5 milliards de personnes sont confinés, et que des mesures exceptionnelles sont prises à travers le monde, même l’optimiste béate que je suis peine à imaginer que tout pourrait vite redevenir comme avant.
Nous sommes des êtres créatifs et créateurs de sens. Chacun à notre niveau, nous pouvons analyser cette crise et en tirer des conclusions. Ces conclusions seront pour certains essuyées de larmes, de violents coups durs et coups de fatigue, de nausées d’avoir touché la mort de trop près. Elles seront pour d’autres globalement théoriques et rhétoriques, prudentes, épargnés de la crasse de la crise et donc empreintes de reconnaissance. Mais quelles qu’elles soient, puissent-elles redonner du sens et par là-même, redonner l’espoir.
L’ancien monde tel que nous le connaissons s’est fermé pour laisser la place à un autre que nous sommes en train de construire. Quel sens va-t-on lui trouver ?
* Photo : CrazyMindsProducts