#Coronarticle 10

Aujourd’hui, après ma journée de travail confinée, j’ai décidé de quitter ma tour d’ivoire pour aller faire mon jogging. Oui, car même si les activités sportives sont désormais interdites en journée dans les rues de Paris, avec les chaleurs estivales débarquées sans crier gare il est de toute façon bien plus agréable de courir dans la fraîcheur de la soirée. Mon attestation de sortie coincée dans ma basket, me voilà donc dehors, heureuse de dire adieu à la position assise et prête à conquérir le monde — c’est-à-dire mon petit bout de Seine près du Pont Mirabeau.

Mes pieds et moi, on va toujours au même endroit. On prend toujours le même chemin, sans se poser de questions, juste pour aller régénérer mes poumons. Seulement voilà, aujourd’hui l’accès à la rive est bloqué, et seuls les ayant-droits peuvent la traverser. Mince alors, moi qui me laisse d’habitude entraîner par mes foulées sans réfléchir, je me retrouve toute étourdie. Et comme mon cerveau est resté à mon bureau, je piétine bredouille devant mon petit bout de Seine qui m’est maintenant interdit. Où aller tout en restant dans le kilomètre autorisé ?

Heureusement que mes pieds ont bien plus de jugeotte que moi et qu’ils se contrefichent de mes petites habitudes. Ennivrés par l’aventure, ils me font traverser le pont et me font longer l’autre côté du fleuve. Allez ma grande, on va pas se laisser abattre !

Mon regard balaie alors un paysage que je n’avais jamais vu auparavant. Je surprends au loin la Tour Eiffel se dresser fièrement et revêtir une couleur toute nouvelle. Grande dame de feraille moins grisonnante depuis mon mirador. Et sa consoeur en contrebas, la Statue de la Liberté du Pont de Grenelle, est tout d’un coup beaucoup plus belle.
De la contrainte est née la découverte.


Et si c’était la même chose avec nos croyances ?

Habitués à fouler toujours les mêmes sentiers, toujours dans les mêmes directions.
C’est l’habitude, ça a marché jusqu’à présent, c’est bien joli d’ici et puis ça me convient alors pourquoi changer de belvédère ? Pourquoi considérer un autre point de vue ?

Mais en ces temps de confinement et de bien des changements,
Peut-être est-il le temps. Chercher l’autre rive. Suivre jusqu’au bout le pont de pensées et voir se révéler un nouveau paysage, c’est-à-dire le même mais sous un autre angle…

Changer mon point de vue sur les choses ?

Frappée par la scène pourtant si familière mais aujourd’hui toute autre, j’ai laissé mes pieds me conduire dans la perte de repères. Et — la beauté de la métaphore se faisant insistante — j’ai réalisé à mi-chemin que j’avais perdu mon attestation. Elle avait dû glisser la coquine. Habitudes chamboulées et clandestine, qui plus est !

Quand je l’ai retrouvée, mon attestation m’attendait tranquille à l’endroit du trottoir où j’avais bifurqué plus tôt. Comme pour me rappeler que je pourrais, un jour, reprendre mon cheminement habituel. Ou bien chercher plus loin.

Et si c’était la même chose avec nos croyances ?

* Photo : Gauguin, D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

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