Ces derniers jours j’ai beaucoup réfléchi sur la mort.
Non pas de façon lugubre ni angoissée, je tiens à le préciser, mais plutôt parce que c’est une réalité et qu’il est sain de penser vrai.
Il y a la situation actuelle, les articles et les statistiques qui chaque jour précisent de nouveaux chiffres. Chiffres qui pour certains sont un parent, un ami, un enfant ; chiffres qui sont des personnes et c’est ça le plus dur.
Il y a eu la Pâques, symbole en Croix de la foi qui croit et qui croît. Et avant le dimanche il y a le vendredi, avant le printemps c’est l’hiver glaçant, avant la renaissance c’est bien le temps de l’arrêt.
Il y a eu aussi un bref séjour aux urgences, zone d’entre-deux. Passage éclair et éclairant qui me rappelle au cas où je l’avais oublié que, décidément, Dr House et Grey’s Anatomy rendent glamour quelque chose qui ne l’est en rien. Et cette infirmière qui me confie :
« On travaille comme des fous ici.
Alors, voir des gens qui ne respectent pas le confinement et qui vivent comme si de rien était, ça me tue. »
Et pourtant je sens bien en moi cette tension qui s’installe : penser vrai d’accord ! compatir bien sûr ! Mais peser les chiffres et y voir le poids des deuils ? Ressentir les souffrances et revivre l’absence ? Encore, toujours, incessamment ?
Comme un élan primitif je sens mon esprit vouloir s’échapper et me mettre à danser.
Le philosophe l’affirmait, c’est rendre un homme heureux de le divertir de la vue de ses misères…
Qu’on laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnies, penser à lui tout à loisir, et l’on verra qu’un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Aussi on évite cela soigneusement et il ne manque jamais d’y avoir auprès des personnes des rois un grand nombre de gens qui veillent à faire succéder le divertissement à leurs affaires, et qui observent tout le temps de leur loisir pour leur fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu’il n’y ait point de vide. C’est‑à-dire qu’ils sont environnés de personnes qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le roi ne soit seul et en état de penser à soi, sachant bien qu’il sera misérable, tout roi qu’il est, s’il y pense. *
En bref, penser c’est bien, pas trop c’est mieux.
Penser à la mort nous tue, alors nous tuons le temps à coups de divertissements ?
Regarder la réalité en face, peut-être. Mais plutôt maquillée, déguisée, subvertie… ?
* Extraits des Pensées de Pascal
** Photo : Vincent Voegtlin. Maxppp