Le monde de demain on le construit aujourd’hui.
C’est un monde où cohabitent ma voisine qui fait un grand pas de côté pour s’éloigner de moi quand je la croise, et mon autre voisine qui laisse sur mon palier des mots d’encouragement et des présents pour pallier ma solitude.
Un monde où l’on trouve le temps long mais où l’on peine à compter les jours, car le temps justement il s’étire et se dilate et nous laisse perdus dans un espace temporel sans répères.
Un monde où certains attendent le déconfinement comme le Messie et où d’autres ne veulent voir ni personne ni Messie avant d’avoir la certitude que le virus soit parti.
Un monde où l’on cherche des solutions pendant que d’autres cherchent des coupables.
Un monde où l’hyperconnectivité nous fait oublier que le monde, il en a connu des pandémies et des catastrophes et des situations hors-du-commun.
Et les hommes et les femmes qui les ont traversées ont su le repenser ce monde, peut-être même le re-créer.
Le monde de demain ne sera pas déconfiné, ni même à demi déconfiné, mais il sera en déconfinement. Progressivement, un peu à la fois, dans un chemin qui prend du temps mais surtout se réapproprie l’espace. On est en chemin.
Non seulement un autre monde est possible, mais il respire depuis toujours sous celui-là. La face cachée du monde ! Quid de nous retient assez longtemps son souffle en entend la pulsation. Cet autre monde affleure parfois dans le monde visible et son apparition nous bouleverse. Semblable à la Jérusalem céleste que les anges laissent lentement descendre derrière les paupières brûlées des mystiques. Le monde caché effleure le monde visible, se fait ici et là reconnaître, mais s’il s’y substituait tout à fait, ce serait la fin, le terminus où tout le monde descend ; l’élan de l’humanité en marche serait suspendu, le monde retomberait lourdement dans ses gonds.
Ce qui fait la royauté de notre aventure, c’est l’élan qui nous habite, le désir qui nous porte et nous brûle. N’espérons pas réussir pour de bon !
C’est parce qu’il aimait tant son serviteur, Moïse, « le seul qu’Il connut face à face », que Dieu ne l’a pas fait entrer en Terre promise, lui laissant à jamais la meilleure part : l’ardent chemin qui mène vers… *
Où que l’on soit, quoi que l’on vive, on est en chemin.
Est-ce que l’on attend ardemment la destination, quel que soit le brouillon du parcours et les retors et les détours, ou est-ce que l’on se préoccupe justement du cheminement ?
* Extrait de Christiane Singer, Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?