Et voilà.
La voilà franchie la bannière des six semaines ; six fois sept fois vingt-quatre fois trois mille six cents secondes de vie pour le moins bousculée et à l’échelle de l’humanité.
Six fois sept fois vingt-quatre fois trois mille six cents secondes et des milliers d’articles et de pensées et de conversations sur le même sujet toujours brûlant, toujours d’actualité.
Six fois sept fois vingt-quatre fois trois mille six cents secondes et on rempile pour plusieurs milliers d’autres instants confinés.
Et moi face à ces chiffres qui s’enchaînent et qui tourbillonnent, je voudrais être un chat.
Oui parce qu’apparemment, les chats, ils n’ont aucune empathie et ne ressentent rien, bref ils sont très mignons mais ils ne ressentent aucune émotion.
L’autre jour par exemple.
J’ai croisé un chat. Il était sur les épaules d’une joggeuse rouge pivoine s’époumonant joyeusement à faire son sport quotidien. Oui oui, sur ses épaules le chat. En plein jogging par procuration. Et il dandinait légèrement à suivre le mouvement.
Mais alors, imperturbable monsieur le félin ! Il me toisait du haut de son trône mouvant, comme s’il était le roi du monde qu’il contrôlait de ses moustaches.
Je l’ai recroisé tout à l’heure, au sol et du bout de sa laisse cette fois. Sa maîtresse la joggeuse toujours rouge pivoine mais à l’arrêt, en pleine séance d’étirements.
Et monsieur le félin ? Toujours imperturbable, toujours roi du monde, toujours la même tête de si j’étais sur mon canapé ce serait pareil.
Face à ces chiffres qui s’enchaînent et qui tourbillonnent, le chat reste chat.
Il n’a pas les émotions en vrac lui, il ne souffre pas de la solitude et de problèmes de concentration et du manque de contact humain, non non !
Il respire la quiétude et dandine légèrement à suivre le mouvement.
Certes.
Mais il est tout de même dandiné par le mouvement d’un autre, et parfois confiné, et parfois même en laisse.
Et en six fois sept fois vingt-quatre fois trois mille six cents micro-moments, rien n’a changé pour lui, ni même la possibilité de puiser la reconnaissance de ce que la difficulté amène de beautés à célébrer.
Ce soir ça pleut l’été et l’odeur de chien mouillé.
Les gouttes s’enchaînent et tourbillonnent par milliers.
Et dans la rue, alors que tout un chacun s’empresse de se mettre à l’abri, un petit bonhomme haut comme trois pommes tire la langue pour accueillir ce qui vient.
Reconnaissance de, et dans, la difficulté ?
* Photo : Steph Chambers/AP/SIPA